
Son petit nom ne vous dit encore rien. Et pour cause, le Traité sur la protection des organismes de radiodiffusion (TPBO en anglais) est encore en cours d’élaboration. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) envisage une ratification en 2014, pas avant.
Le but du traité est de «développer et assurer la protection des organismes de radiodiffusion». Rien de méchant? Gare au piège: le terme de «radiodiffusion» ne se limite pas aux simples stations de radio, il concerne les chaînes télévisées. Et dans une interprétation maximaliste du texte, les diffuseurs internet, les sites, sont aussi englobés.
Nouvelle couche de protection
«Le Traité de radiodiffusion souhaite ajouter une couche de protection pour la diffusion des œuvres», analyse François Charlet, juriste spécialisé dans les nouvelles technologies.
Imaginez une chaîne qui diffuse un clip musical. A l’heure actuelle, il est déjà protégé par le droit d’auteur. Avec le TPBO, au nom de la protection de son signal, le diffuseur pourrait poursuivre toute personne qui manipulerait ou piraterait le contenu de ce qu’il a diffusé. Partager la vidéo sur un autre site serait suffisant pour déclencher une procédure. Et peu importe si le contenu original était libre de droits. Pour l'EFF, cette pratique s'apparente à du racket de la part des utilisateurs.
Cédric Jeanneret, membre du Parti pirate et animateur d'un table ronde à Lausanne sur le droit d'auteur dénonce un autre effet pervers du TPBO: «Ce traité risque aussi flouer les auteurs, car ils perdront encore plus le contrôle sur la diffusion de leurs œuvres.»
«Droits excessifs»
Plus inquiétant encore, la nouvelle protection pourrait, par ricochet, entraver la circulation de l’information, et donc la liberté d’expression, sur internet, estime François Charlet. «Il est légitime de se méfier du traité car il est encore très flou, souligne le juriste. Pour lui, il faudra voir dans quelle direction ira l’OMPI, notamment sur la question d’internet.
«Quoi qu’il en soit, le texte reste choquant, dans la mesure où il confère des droits excessifs aux organes de diffusion, alors même qu’ils n’ont pas nécessairement pris part à la création de l’œuvre», conclut François Charlet.
Pour Cédric Jeanneret, cette volonté de s'arroger de nouveaux droits assortis de restrictions pour les utilisateurs rappelle ACTA, SOPA & Co.
Pas de quoi brimer la liberté
En Suisse, c’est l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), qui participe aux discussions de l'OMPI. «Les opposants à ce traité réagissent de manière disproportionnée, lorsqu’ils prétendent qu’il s’agit d’un nouvel ACTA. Ça n’est guère comparable», note Emanuel Meyer, chef du service juridique de l’IPI.
Pour lui, le TPBO vise simplement à adapter à l’aire numérique les dispositions sur la radiodiffusion datant au niveau mondial de 1961 (!). Avec en ligne de mire la reprise illicite de contenus sur internet.
Pas de quoi brimer la liberté d’expression sur internet: «Les contenus visés sont les grands événements sportifs, pour lesquels les diffuseurs investissent beaucoup d’argent», avance le spécialiste de l’IPI. «D’ailleurs, il est improbable que ce traité nécessite des changements de la loi Suisse, qui a déjà été adaptée afin que les diffuseurs soient protégés sur internet».
Affaire à suivre. (Newsnet)
Créé: 22.08.2012, 10h05
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